Ophélie, tout juste vingt ans, est vive, pétillante, jolie et une grande amoureuse des livres. Elle vit au cœur d'une troupe de théâtre itinérante colorée et vivante. Certains soirs on fait bombance, mais les dîners sont bien plus souvent l'occasion de faire vache maigre ! Pourtant, la vie est agréable au milieu de ces personnages hauts en couleur. Une vie avec son lot de petits bonheurs et de chagrins, comme partout ailleurs. On voit bien pourtant qu'Ophélie a reçu une éducation plus élaborée que celle de ses compagnons, mais nul ne sait vraiment pourquoi, sauf Monsieur Elmer, « directeur artistique », responsable des décors et surtout propriétaire des maigres avoirs de cette troupe, et sa femme Lydia. Il maintient à flots ce petit théâtre, avec sa femme, costumière, maquilleuse et un peu maman de tous ces compagnons. Chacun a sa place, mais aucun d'entre eux n'a qu'une seule fonction. On passe d'acteur à menuisier, ou maquilleur, ou serrurier, ou copiste, ou cascadeur, etc. La troupe se produit de villages en châteaux, lieux bénis où l'ambiance est plus chaude et la rémunération plus grasse. C'est à l'occasion d'une de ces représentations qu'un jeune homme, Horacio, issu d'une famille bourgeoise très aisée, va venir vers la troupe pour échanger avec eux. Fougueux, cultivé, amoureux de Shakespeare, dont les pièces sont souvent à l'honneur chez Monsieur Elmer, il rêve de pouvoir un jour monter sur les planches et avoue s'entraîner souvent en solitaire à déclamer des scènes entières de son auteur favori, en endossant les rôles de tous les personnages. Alors qu'il raconte tout cela avec entrain et un brin de folie dans le regard, Ophélie le dévore des yeux... Lorsque leurs regards se croisent, il est évident que le jeune homme n'est pas insensible à la délicate fraîcheur d'Ophélie. Et voilà qu'ils se mettent à se jeter au visage des répliques de plusieurs pièces, comme d'autres jonglent avec des balles ! Leurs échanges se finissent en éclats de rires et par les applaudissements des acteurs de la troupe. Mais Stella, cartomancienne et fille des patrons de la troupe, attrape aussitôt Ophélie par la main et l'entraîne dans une roulotte pour la mettre à l'abri des regards du jeune homme. Protectrice envers Ophélie, elle veille à ce qu'il ne lui arrive rien de fâcheux et se méfie autant des nobles que des bourgeois.